1er Flashback - Sherrinford : L'église des trois aciers - Terminé

Sur ces entre-faits et après avoir salué les deux hommes, Olm prit congé. A la sortie du bâtiment, la chaleur de la ville s'était réveillée en même temps que toutes ses machines. Le ventre de l'enquêteur gargouillait et il décida de s'arrêter manger un morceau, avant de continuer vers sa destination. L'église des trois aciers. Pendant qu'il mangeait, il réfléchit à la meilleure manière de se procurer un petit accessoire qu'il voulait porter avant d'entrer dans le bâtiment religieux : un symbole de Malachine. Il passerait par le petit marché qui se trouvait sur la rue des clés et se procurerait la babiole. Les détails étaient toujours d'une importance cruciale.

Une fois ce détour effectué, Sherrinford Olm marcha jusqu'à l'église des trois aciers. Il avait l'intention de d'abord repérer les lieux, avant de s'y engager. Il n'avait aucune réelle idée de ce qu'il allait pouvoir dire ou découvrir ici, mais il cherchait les petites choses qui sortiraient de l'ordinaire, les détails qui pourraient le mener à une piste.

L'église des Trois Aciers se trouvait dans le quartier de l'Ébarbage, flanquée de tous côtés par diverses entreprises métallurgiques. Elle était au centre de plusieurs rues qui desservaient les usines, faisant d'elle une sorte de point de pèlerinage quotidien des ouvriers.
La forme de la bâtisse ne différait pas réellement des bâtiments de production alentour, mais c'est sa composition qui la rendait aussi singulière qu'unique. Trois gigantesques tours sortaient d'elle comme pour défier les cieux, entourées des fumées environnantes. Faite principalement de pierre, le matériau était incrusté partout de parties métalliques rappelant son lien avec les machines. Des pièces mécaniques décoraient les façades. Son nom même n'était pas en reste : souvent, les décorations existaient en version triplée, à chaque fois dans un autre métal, pour rappeler cette trinité de l'acier.

Les rues étaient bien fréquentées à cette heure de la journée, l'intérieur devait l'être certainement aussi.

L'observation et le repérage des lieux ne prit pas bien longtemps à Sherrinford qui fit le tour du bâtiment pour enregistrer les différentes sorties et les particularités de la bâtisse.

Une fois ces formalités accomplies, l'ombre glaçante de la bâtisse métallique referma son emprise sur l'enquêteur. Il avait pénétré dans cet antre de la Malachine, où ses yeux s'adaptaient peu à peu à la pénombre ambiante.

L'intérieur de l'église était sombre et pouvait sembler austère. Le peu de lumière qui perçait les nuages de Méthalume était encore amoindrit par les fenêtres de verre fumé jaunâtre juste en-dessous du haut plafond. On se sentait dans ce lieu de culte comme dans une usine.
Le regard de Sherrinford vint se poser en premier sur l'autel : il s'agissait d'une énorme machine dont le moteur avait était couvert d'une épaisse plaque en acier. Derrière lui se trouvait l'alachine Tarendil, un homme d'une cinquantaine d'années vêtu d'une longue bure grise. Il y entretenait les fidèles, pour la plupart des ouvriers en habits de travail qui venaient avant ou après leur poste et égrenaient leurs chapelets composés de boulons, des vertus de la mécanique divine.
Le reste de l'église était à l'image de l'extérieur. De nombreuses pièces mécaniques étaient incrustées dans les piliers qui supportent l'édifice. La trinité métallique était souvent agencée de manière à former des images des dieux des machines que les ouailles priaient quotidiennement.
Le confessionnal, une énorme armoire en métal, se trouvait un peu plus loin, dans une alcôve légèrement dérobée mais relativement spacieuse, à l'abris des regards indiscrets, pour préserver la dignité des pécheurs. En l'occurrence, Sherrinford se faisait la réflexion qu'il était effectivement un endroit parfait pour mener les négociations d'affaires douteuses.
L'église était très fréquentée en cet après-midi et le prêtre était en plein discours, mais ne tarderait certainement pas à terminer sa messe.

Olm avança dans l'église avec sur le bord des lèvres une appréhension qui le retrouvait à chaque fois qu'il passait les portes d'un lieu saint. Un chatouillis qui le faisait légèrement grimacer : l'incohérence. L'incohérence de tout ce que représentaient les religions et les cultes. Pour éviter de se lancer dans l'analyse de ces paradoxes, l'enquêteur se concentra sur ce qui l'entourait : il cherchait des détails qui le surprendraient ou qui pourraient le pousser sur une piste, mais surtout, il observait le confessionnal. Il s'en approchait de plus en plus, à la recherche d'un détail qui trahirait la présence d'un outil d'enregistrement. Disque, câbles qui quittaient la chambre des secrets honteux...

Quand finalement il eut fait le tour de ses observations extérieures, il vérifia que personne ne se trouvait dans le confessionnal pour s'y installer. Une fois là, il fit une nouvelle inspection minutieuse des lieux pour y trouver micro ou quelconque autre trace d'un matériel d'enregistrement.

Jet:

Sherrinford était quelque peu sceptique, devant le confessionnal. De nature athée, son manque de compréhension pour le principe même d'une religion l'empêchait plus encore de comprendre la nécessité de se faire pardonner devant une forme de déité par l'intermédiaire d'un être humain tout aussi pécheur, sinon même plus. De ce fait, il n'avait jamais visité un confessionnal et ne savait pas trop à quoi s'attendre. Son attention analytique vit cependant qu'il était facile pour deux personnes d'entrer dans le confessionnal sans se voir. Les deux portes étaient opposées l'une à l'autre, toutes deux à l'abris complet des regards des fidèles devant l'autel.
Il ouvrit doucement la porte avec une once d'appréhension et entra dans cette armoire métallique bordée de glyphes et autres bizarreries métalliques.
L'intérieur ne différait pas tant de l'église elle-même, à la différence que le peu de lumière y était ici encore davantage occulté. On n'y voyait quasiment rien et Olm savait qu'il aurait besoin de quelques minutes pour s'adapter à cette nouvelle obscurité avant de pouvoir y voir quoi que ce soit.
Doucement des formes commençaient à se dessiner devant ses yeux. Il y avait une petite banquette qui faisait face à un mur. Du côté gauche, la porte d'entrée, du côté droit, une petite grille permettait de parler à la personne de l'autre côté mais il fallait bien s'avancer pour pouvoir apercevoir un visage. Pas étonnant que le jeune Abion n'ai pas pu en voir davantage de son commanditaire. Une petite ouverture sous la grille permettait d'y glisser la main et donc, par extension, de petits objets, comme une clé, un billet de change ou un ticket pour le transécryme. Pour l'instant, l'histoire d'Abion se tenait.

Alors qu'il envisageait enfin de se mettre à la recherche d'un dispositif d'enregistrement, quelqu'un frappa lourdement à la porte qui s'ouvrit tout de suite après. Le peu de lumière dans l'église lui suffit à lui faire plisser les yeux. Il discernait, un œil fermé, les traits encore flous de l'alachine Tarendil se tenaient devant lui. Il l'entendit lui parler sur un ton calme, rassurant et amusé "Allons, mon enfant. Si tu veux trouver le pardon pour tes péchés, il te faut entrer par la bonne porte."

Olm leva les yeux vers l'homme qui venait d'ouvrir la porte et s'adresser à lui en ces termes. Sa mâchoire s'était crispée et ses yeux plissés. Qui était-il pour se permettre de le tutoyer ? Quand l'enquêteur reconnu l'alachine, il reprit un air plus agréable et se redressa.
"Je vous prie de m’excuser, Alachine. Je ne me recueille habituellement que dans l'église du fer blanc. Je suis nouveau dans le quartier... J'espère cependant pouvoir m'intégrer dans celle-ci..."


L'enquêteur laissa sa place dans le confessionnal pour s'installer de l'autre côté. Une fois assis, il prit le temps d'inspecter minutieusement ce côté de la petite pièce coupée en deux en attendant que l'alachine ne s'installe.

Lorsque Sherrinford s'assit et avant que l'alachine, déjà installé de son côté, ne commence à parler, le détective ressenti un très léger affaissement de la banquette. Ce n'était pas grand chose, peut-être un léger millimètre de décalage, que n'importe qui d'autre aurait mis sur le dos de l'usure, si même il l'aurait remarqué, mais cela ne concordait pas complètement. Quelque chose semblait louche à ce mouvement de la banquette. Il ne pouvait cependant rien faire d'autre pour s'en assurer tant que l'alachine serait présent de l'autre côté.
D'ailleurs, ce dernier coupa le fil de penser d'Olm. Il commença avec une petite litanie chantée "Que les dieux des machines soient loués pour leur bonté. Qu'ils nous apportent la lumière dans l'obscurité et l'adversité. Que leur chaleur anime notre vie et nous donne la force de travailler." Ces paroles mettaient Olm mal à l'aise. Il ne put se retenir de ressentir une certaine gêne face à cette cérémonie qui lui semblait ridicule. L'alachine poursuivit "Alors mon enfant. Les dieux des machines t'écoutent. Pour quel acte cherches-tu leur pardon ou leur direction ?"

Sherrinford écouta le sermons sans faire de commentaire. Quand le religieux finit par lui poser une question, il répondit avec calme :
"Pardonnez moi, mon père, parce que j'ai... péché. J'ai accepté des contrats et les ai menés à bien. J'ai réuni de l'argent grâce à ces demandes... peu conventionnelles. Malheureusement, je ne peux m'arrêter, mais je ne peux non plus retourner dans mon ancien clocher... Que devrais-je faire, mon père ?"

Olm avait dit ces mots avec humilité et calme, espérant que le prêtre comprendrait où il voulait en venir et qu'il lui donnerait une piste. N'importe quoi. Il doutait que l'alachine ne soit au courant de rien de ce qui se tramait dans son église et il souhaitait ardemment être mis sur la piste de ce qu'il voulait découvrir. Quelque part, le religieux devait enregistrer, quelque part, il devait tenir compte de tout ce qui s'échangeait dans le secret de son confessionnal.

Amener le sujet de manière aussi directe et frontale était dangereux. Il accusait potentiellement un alachine à Méthalume, dans sa propre église, qui plus est.
Le prêtre lui répondit d'une voix particulièrement mielleuse "Voyons cela, mon fils. Malheureusement, beaucoup de personnes doivent vivre des situations de nos jours qui leur demandent de recourir à des solutions qu'elles n'auraient pas envisagé par le passé. Cela n'est en rien un péché, mon garçon. Les dieux machines comprennent tout à fait que tu doives subvenir aux besoins des tiens et de toi-même. Ne t'en fais donc pas pour si peu, si ce ne sont là tes seuls soucis. Tu peux prier devant l'autel pour que les machines te soient particulièrement prospères dans les prochains jours, de sorte à ce que tu puisses renoncer à ce mode de vie qui t'importune tant."

"Merci mon père, murmura Olm en observant toujours le confessional. Je sais que l'on s'ouvre facilement à vous, mon père. S'il venait à vos oreilles que quelqu'un de respectable cherchait un homme à tout faire... Je pourrai me présenter ici à toute heure."

Spoiler:

Apres avoir essayé de détailler la cabine dans la pénombre, il se redressa et ouvrit la porte. Au dernier moment, il s'arrêta pour dire :
"Bonne journée mon père."

Dans l'église, Olm marcha lentement vers l'autel en observant ce qui lentourait. Il cherchait une porte qui mènerait vers un bureau ou quelque chose dans la même veine.

Jet:

"Bien sûr, mon fils. Nous t'attendrons avec joie." Fit le prêtre sur un ton mielleux, non sans donner un léger frisson dans le dos du détective.

Alors qu'Olm retourna dans la vaste salle principale de l'église, les premiers adorateurs des dieux machines se tournèrent vers lui, l'air contrariés. La messe était certes terminée, mais certains d'entre eux restèrent pour continuer de prier et d'égrainer leurs chapelets de métal. Sherrinford les dérangeait ostensiblement et ils ne se retenaient pas de le lui faire remarquer par des regards courroucés.

Le détective remarqua dans le fond, derrière l'autel, sur la droite, une porte menant certainement aux loges des religieux.

En sortant de la petite cabine du confessionnal, Olm senti une sueur froide remonter le long de son épine dorsale. Il avait senti le ton glacial du prêtre et savait qu'il avait fait un faux pas. Il avait voulu jouer au plus malin et il avait perdu... Malgré les regards que lui lançaient les paroissiens, il s'avança jusqu'à l'autel comme le lui avait conseillé le prêtre et improvisa une prière en imitant ceux qui se trouvaient là avant lui. La petite porte qui semblait donner sur les quartiers des prêtres se trouvait là. Il fit un dernier tour d'horizon pour voir si d'autres passages moins visibles pouvaient être aperçus d'ici.

Il se leva alors, s'éloigna par l'allée centrale et sans un regard en arrière, sorti de cet antre de la machine. Son chapeau sur la tête, il reparti en direction du 221B Backer Street en faisant attention de ne pas être suivi. Il prit quelques chemins détournés et peu fréquentés pour s'en assurer et quand il fut certain d'être seul, retourna jusqu'à la demeure de Mme Udson, y retrouver le jeune policier.

Spoiler:

Le reste de l'inspection de l'église ne donna rien de bien concluant. Sur la droite, un escalier donnait sur la crypte, mais il était trop exposé pour être lié au confessionnal et à l'autre bout du bâtiment.
Il sentait le regard de l'alachine dans son dos alors qu'il quittait l'église.

Il retourna à la demeure de Mme Udson, non sans prêter une grande attention à ses arrières. La dernière phrase du prêtre l'avait bien effrayé. S'il y avait quelqu'un, dans tous les cas, il ne le vit pas et au vu des chemins qu'il prit, il l'aurait certainement semé dans ses sillons chaotiques à travers les ruelles de Méthalume.
Il trouva finalement sa résidence et le jeune policier à l'intérieur, déjà servi par la propriétaire.

Olm entra sans un mot et posa son chapeau sur le porte manteau. Il retira ensuite son veston et s'assit à la table avec Mme Udson et l'agent de police.
"Rebonjour, tous les deux. Merci Mme Udson, c'est bien aimable. Comment se sont passé les affaires de votre côté, agent Tom ?"
L'enquêteur attrapa la tasse que lui servait sa logeuse et commença à siroter.

L'agent se leva respectueusement et fit son rapport à Sherrinford.
Ils avaient bien ramené tous les coupables au poste et mis en détention. Officiellement, ils ont été arrêtés pour une question de vol d'argent mineur, mis sous détention sous prétexte d'avoir fait le larcin de trop. La question des bobines de cuivre n'avait pas été soulevée pour l'instant. L'un des malendrins avait effectivement une blessure par balle au niveau de la cuisse. Une blessure superficielle. Il boitait méchamment mais finirait bientôt par guérir.
Le meurtrier avait été découvert sans problème également, sans même qu'ils aient à poser de question. Il était en confinement isolé. Ses nerfs avaient complètement lâché et était en crise de larmes ininterrompue. Il était clair qu'il n'avait pas voulu le faire et qu'il ne savait pas comment gérer la situation. Il allait avoir besoin d'un soutien psychologique avant de pouvoir donner quelque information utile que ce soit.

Olm hocha la tête et après avoir bu quelques gorgées de son thé, continua :
"Très bien... Très bien. Nous allons peut-être avoir quelques problèmes avec l'église des trois aciers. J'ai été poser quelques questions et l'alachine de la paroisse a peut-être remarqué que j'étais... curieux."
L'enquêteur croisa les doigts et regarda le policier dans les yeux :
"Je sens que vous êtes un policier plein de ressources et des plus intègres. J'ai l'impression que tous les deux, nous avons mis le doigt sur une affaire plus profondément compliquée que cette simple histoire de vol qui aurait mal tourné."
Olm avait prit son ton le plus mielleux et un sourire enjôleur :
"Je suis intimement persuadé que cette affaire est liée à l'église des Trois Aciers. Du moins... Elle sert de point de rendez-vous. Il serait fâcheux d'avoir a poser toutes ces questions directement à l'alachine, n'est-ce pas ? Vous et moi savons que ce serait la manière la plus lente et a plus incertaine de mener cette enquête. Je sens que vous êtes un volontaire, qui n'avez pas peur de mettre les mains au cambouis et c'est une bonne chose, dans notre police. D'après Abion, l'alachine enregistre les rencontres dans le confessionnal. Peut-être qu'il serait intéressant de commencer par là, qu'en dites vous ?"
Sans laisser le temps au policier de répondre, l'enquêteur enchaina :
"Et en vérité, sans déranger l'alachine, je pense que nous devrions pouvoir trouver ces enregistrements..."

Spoiler:

Jet:

L'agent Tomá blêmit en apprenant les dernières nouvelles de l'enquêteur. Il était en train de se mettre le culte de Malachine à dos. Le culte de Malachine. À Méthalume. Il allait sans dire qu'il vivait dangereusement. Ne se rendait-il pas compte de ce qu'il faisait ?
Mais les paroles de Sherrinford, son attitude et surtout sa confiance en lui-même eurent raison de la peur du jeune homme.
Il se remit d'aplomb et acquiesça à la proposition de l'enquêteur.

Olm recula sur sa chaise et se laissa aller contre son dossier. Il sourit. Bon, il avait un policier de son côté pour ce qu'il allait tenter ce soir... Quelque part, quelque chose lui hurlait que c'était une mauvaise idée. Qu'il allait droit vers un danger trop grand, mais il avait besoin de savoir. Toute cette affaire était trop alambiquée pour n'être qu'une petite histoire de vol. Si quelqu'un a la capacité de faire faire à un homme ses quatre volonté puis de lui faire oublier tout à ce propos... Mmmh... Il pouvait devenir l'homme le plus dangereux de Méthalume.

Ce soir, Olm savait ce qu'il ferait. Il se posterai dans l'église des trois aciers pour observer ce qui se passerait. Il n'avait pas dans l'intention d'agir encore. Mais il devait déjà essayer de surprendre une quelconque activité.

"Agent Tom, il ne sera pas nécessaire de m'accompagner ce soir, mais je vous veux frais et dispo la nuit prochaine. Sera-ce possible ?"

Après cela, Sherrinford alla se reposer pour être frais et dispo à l'heure du crime...

Spoiler:

Jet:

Le jeune agent promit à Sherrinford qu'il serait frais comme un gardon pour le lendemain.

Olm retourna à l'église des Trois Aciers le soir, à la tombée de la nuit. Les rues étaient à peine moins fréquentées que de jour, surtout dans ce quartier industriel. Cependant, les indigents venaient maintenant faire la manche. De pauvres hères qui ont, pour beaucoup, perdu leur emploi dans un konzern à cause d'une maladie, d'un accident ou simplement un mauvais jour de leur contre-maître. Privés de revenus, il était rare pour eux de retrouver un konzern qui voudrait bien les accepter, et ils étaient contraints à quémander auprès des moins mal lotis, souvent accompagnés de leurs familles, mis à la rue par la même occasion.

L'intérieur de l'église n'était pas mieux : Sur le côté droit, dans l'un des recoins les moins lumineux, relativement proche de l'entrée de la crypte, peu usitée, se trouvaient plusieurs personnes. Une famille dont les parents avaient deux filles et un garçon, âgés au maximum de 7 ou 8 ans. Ils dormaient ensemble, se tenant dans les bras les uns les autres pour se tenir chaud. Un homme d'une cinquantaine d'années était couché un peu plus loin, essayant tant bien que mal de trouver le sommeil malgré les secousses causées par ses quintes de toux. Les fumées des usines, de l'écryme et les mauvaises conditions de vie mettaient à mal même les mieux constitués, ici.

Devant l'autel, sur les bancs, 3 personnes priaient en silence et égrenaient des chapelets. Une quatrième, une ouvrière, dormait sur l'un des bancs, le chapelet pendant encore de sa main gauche.
Au fond, la porte donnant aux quartiers des religieux était fermée, ils se reposaient certainement.

Sur la gauche, le confessionnal était plongé dans une obscurité presque parfaite. Il était déjà difficile de voir qui y entrait ou en sortait de jour, et de nuit ce serait quasiment impossible.
L'une des portes, entrouverte, indiquait que personne ne s'y trouvait actuellement.

Arrivé dans l'église et après avoir observé les environs et les habituels, Olm retira son long manteau dont il allait se servir comme d'une couverture.
Il s'installa dans un recoin très proche du confessionnal. Il n'y avait personne, ici. Il passa le manteau sur ses jambes et le remonta aussi haut que possible en se recroquevillant dessous. Il attendrait ici une grande partie de la nuit, autant être assis confortablement.

Après une bonne heure à ressasser tout ce qu'il avait sur cette histoire, un homme approcha. L'enquêteur l'avait repéré dés l'instant où il avait posé le pied dans l'église. Il se dirigea discrètement vers le confessionnal et, sans apercevoir Olm, se glissa à l'intérieur. Le silence retomba sur les lieux sombres, seulement brisé par un reniflement là, ou un ronflement ici. La tension, pour l'enquêteur, était à son comble. Pourtant, il ne fit ni mouvement, ni aucun bruit qui pourrait trahir sa présence. Il n'était qu'une ombre parmi les ombres, un pauvre hère qui n'avait rien d'intéressant pour personne.
Quelques minutes passèrent ainsi, dans ce silence pesant. Les yeux de l'enquêteur furent attirés par le mouvement d'une autre silhouette. Homme ? Femme ? Il n'aurait su dire. Tout ce qu'il voyait, c'est qu'elle s'approchait à son tour du confessionnal et entrait par l'autre porte. Tenté de se redresser pour entendre ce qui s'échangeait dans le secret de cette cabine de métal, Olm se concentra pour rester calme. Non. Ca n'était pas une bonne idée.

Il savait, quelque part au fond de son esprit, que ces deux personnes n'étaient que du menu fretin. Qu'ils n'étaient que deux habituels des commissions de l'église et qu'ils n'avaient rien à voir avec le métropolite qu'il recherchait. Les yeux plissés, la respiration maîtrisée, il attendit. Pas longtemps. Quelques minutes, jusqu'à ce que les deux silhouettes sortent du confessionnal. D'abord l'une, puis au bout de quelques minutes, la seconde. Olm réussit à ce moment à les apercevoir avec plus de précision. L'un comme l'autre portait des frusques d'ouvrier. Rien à voir avec ce qu'Abion avait décrit à l'enquêteur.

Pendant un instant, Sherrinford pensa à en suivre l'un ou l'autre, mais il chassa rapidement l'idée. Les chances que l'un d'eux était lié à l'affaire qui l'intéressait étaient faibles. Il les diviserait encore par deux en choisissant au hasard lequel suivre. Non, quelque chose d'autre intéressait le franc-détective. Quand les deux suspects furent sortis, Sherrinford attendit encore quelques minutes, avant de se redresser avec toute la discrétion dont il était capable. Sans un bruit, il ouvrit la porte du confessionnal. Quand il y fut enfermé et certain que personne ne pouvait le voir de l'extérieur, il se tourna vers le petit banc. Dans la journée, il y avait noté un détail qu'il avait enregistré en prévision de cette nuit. Un léger décalage. Un affaissement à peine perceptible. Il se baissa et chercha du bout des doigts l'endroit où quelque chose était... caché, peut-être ?

Spoiler:

Maintenant que Sherrinford avait plus de temps et bien à l'abris des regards indiscrets, il pouvait prendre son temps pour examiner plus en détail ce qu'il avait découvert plus tôt.
Il se rendit compte que ce qui semblait être défaut dû à l'usure était en fait un mécanisme. Ce dernier s'activait lorsque suffisamment de poids était posé sur la banquette. Quelqu'un devait s'y asseoir. Le même mécanisme se trouvait de l'autre côté du confessionnal. Ainsi, semblait-il au détective, le système ne s'activait probablement que lorsque deux personnes étaient assises dans le confessionnal. Si ce mécanisme devait vraiment mener à un système d'enregistrement, l'alachine détiendrait l'enregistrement tant des missions secrètes que des confessions des citoyens. Autant dire qu'il aurait en sa possession autant de moyens de pression que de négociation.
L'idée qu'une personne puisse détenir ce genre d'informations lui faisait froid dans le dos. Se dire qu'il s'agissait d'un alachine ne faisait qu'empirer la situation.

Olm poursuivi ses recherches. Au bout de quelques minutes il trouva enfin ce qu'il cherchait. Un câble était habilement dissimulé dans les fioritures du confessionnal et en sortait. À l'extérieur, il disparaissait dans le mur, à peine à un mètre de la boîte métallique. Il devait y avoir quelque chose ici.

Olm sortit du confessionnal en faisant le moins de bruit possible. A l'arrière de ce dernier, à l'abris des regards, il suivit ce câble qui entrait dans le mur. Intéressant, pensa-t-il. Ses doigts glissèrent sur le métal des parois, avec la délicatesse d'un courant d'air. Il était à la recherche d'un mécanisme, d'une aspérité, quelque chose qui puisse le mettre sur une piste. De temps en temps, il s'assurait que personne ne l'observe.

Là. Sous son indexe, une légère fissure, une fente, quelque chose, s'étirait le long du mur. Elle n'avait rien de régulier, elle n'était pas droite... On aurait dit qu'une trappe avait été découpée là, mais posée de façon à se fondre dans les méandres métalliques des murs de l'église. Méthalume dans toute sa splendeur crasseuse...

Un petit dispositif, Sherrinford s'en doutait, devait être placé là... Quand il le trouva, il se baissa à genoux pour l'observer. Un piège. Evidemment. L'enquêteur regarda autour du petit dispositif et compris comment ouvrir le passage sans déclencher l'alarme. Bien. Il regarda autour de lui et eut une pensée pour le policier qu'il avait renvoyé dormir. Merde. S'il avait su, il lui aurait demander de l'accompagner le soir même. Quelque chose, cependant, la curiosité peut-être, mais l'impression d'urgence, surtout, poussa Olm a ouvrir le passage. Légèrement. Juste assez pour y jeter un oeil.

Derrière, une lueur vacillait vaillamment face aux ténèbres opaques. Une veilleuse juste assez brillante pour éclairer les marches, pas assez pour voir ce qu'elles cachaient. Avec une grimace, Sherrinford réfléchit : il était imprudent de s'y engager seul, sans que personne ne puisse savoir où il se trouvait. Il était imprudent de s'attaquer à un poisson aussi gros que l'église de Malachine. Il était imprudent de ne pas prévenir quelque autorité...
Ces avertissements en tête, la canne serrée dans son poing, l'enquêteur fit un pas en avant pour s'enfoncer dans les marches ténébreuses qui glissaient jusqu'aux cryptes du culte des machines.

Alors que la porte se fermait silencieusement derrières lui, Olm suivi les marches plongeant sous l'église, parallèles à celles menant à la crypte. Les murs n'étaient plus décorés comme le reste de l'édifice religieux, ils étaient d'un lisse pratique, là où le reste n'était qu'ornements divinatoires.
Il s'approcha en toute discrétion de la salle se trouvant à leur bout. D'une trentaine de mètres carrés, elle semblait effectivement faire écho à la salle mortuaire qui devait se trouver juste à côté du mur gris, mélange d'argile et d'os broyés indiquant un mur monté après la construction de l'église. Sans grande décoration ostentatoire, la pièce était cependant meublée de plusieurs étagères métalliques, chacune contenant plusieurs centaines de disques en cuivre. Une véritable fortune. En parcourant des yeux les boîtes métalliques leur servant de rangement, il se rendit compte que chacune d'entre elle était marquée d'une année, suivie d'un mois. Des archives. Des archives s'écoulant sur plusieurs années.

Contre le mur droit de la pièce se trouvait un grand enregistreur à disques. À droite de la machine, une réserve de disques vierges. Un mécanisme permettait vraisemblablement de changer automatiquement de disque disque, une fois le disque actuel arrivé à saturation. La machine était reliée à un câble qui passait par l'escalier que venait d'emprunter Olm. Il s'agissait bien du câble reliant le confessionnal. La rumeur disait vrai.
Un frisson parcourra le corps entier du détective lorsqu'il se rendit compte ce qu'impliquait pareille trouvaille. Combien de personnes, de Loges, de konzerns, de ghildes et même de ministères pouvaient bien être incriminés par les preuves que recelaient ces disques ? Il y avait certainement de quoi faire tomber tout Méthalume. Et tout cela se trouvait à la main de l'alachine. Il avait sous la main de quoi faire chanter suffisamment de personnes pour ne plus avoir à se soucier du moindre problème dans sa vie. Et s'il devait venir à disparaître... Son moyen de pression était également son assurance vie.

En parcourant les micro-sillons du disque se trouvant actuellement dans l'enregistreur, Olm se dit qu'il devait certainement y retrouver la conversation qu'il a eue plus tôt dans la journée avec le prêtre. Il devait certainement pouvoir trouver la conversation d'Abion avec ce métropolite. Un phonographe accompagné d'un fauteuil confortable se trouvaient juste à côté de l'enregistreur. Certainement utilisé par le religieux quand il devait écouter les dernières nouvelles.