2ème Flashback - Johanna : Traverser les océans du vide - Terminé

Le soleil commençait doucement à se lever sur Méthalume. Johanna était déjà en route. Encore sous l'emprise de la colère de la dernière dispute avec son père et son grand-père, elle était en route pour Ferraille, la cité traversière, dans le but de rejoindre Edward Albrane, celui qui lui apprit tout ce qu'elle savait de l'anthropo-mécanologie. Au fil des ans il était devenu une sorte de confident, l'un des rares amis dans lesquels elle sentait pouvoir avoir confiance. Récemment il lui a parlé de son nouveau projet secret. Il faut dire qu'il en avait régulièrement, mais jamais de cette envergure : il voulait se lancer dans la navigation sur l'écryme ! Il ne semblait pas avoir peur des autorités qui pouvaient facilement le condamner à mort pour un tel acte de trahison scientiste.
En y repensant... Ce n'était probablement pas très prudent qu'elle veuille le rejoindre. Non seulement elle pouvait potentiellement y risquer sa vie, mais en plus elle risquait clairement le nom et la bonne réputation de toute sa famille ! Mais était-ce vraiment si grave de risquer de salir la réputation d'une famille qui ne veut pas vraiment son bien ?

Johanna était tellement perdue dans ses pensées qu'elle ne remarqua pas le métropolite qu'elle percuta de plein fouet, au moment de poser son premier pied sur la traverse. Il était surpris de voir une si jolie jeune femme aussi tôt sur cette traverse. Il semblait néanmoins bienveillant quand il lui adressa la parole.

"Holà, jeune dame, prenez garde à vos pieds si vous ne voulez pas finir dans l'écryme." Bien que semblait mal assuré, son ton semblait rieur et enjoué. "Où allez-vous donc de si bonne heure ? Vous me semblez bien préoccupée, j'espère que rien de grave ne vous arrive ?!"
Cet homme était bien étrange. Loin des métropolites qu'elle avait l'habitude de côtoyer au ministère, il semblait amical et insufflait une certaine confiance à Johanna qu'elle ne pouvait expliquer, tout en dégageant une certaine tristesse de lui.

Mes chaussures claquaient le sol de la rue comme si elles le tenaient responsable de ce qui venait de se passer. Cela ne me calmait aucunement mais me rapprochait plus vite de ma destination. À dire vrai, j'avais besoin de me changer les idées et l'invitation d'Edward à le rejoindre tombait au bon moment. Je me retenais de crier pour ne pas attirer l'attention mais ce n'était pas l'intention qui manquait. Ne pas voir Gatien était déjà suffisamment pénible pour que Grand-père se sente obligé de se mêler de ma vie privée ! Je voulais voir Nicole pour partager avec elle ma colère, mais elle n'était pas chez elle à cette heure et je ne souhaitais pas à la déranger à l'usine. Elle avait elle aussi ses propres soucis avec le conseil d'administration de l'usine. De toutes façons, qu'aurait-elle bien pu dire ou faire, si ce n'est agonir Grand-père de reproches au risque de se brouiller avec lui de manière encore plus profonde ? Je resserrais ma prise sur ma petite valise, accélérant le pas au risque de trébucher tout en ressassant les événements récents.

J'étais partie sur un coup de tête, prenant quelques jours de congé au ministère afin de retrouver Edward. Si je n'avais pas été la petite-fille d'Archibald Archambault, je ne les aurais sans doute jamais obtenues aussi aisément, mais j'imagine que la tête que j'affichais au moment de ma demande devait trop bien ressembler à celle des mauvais jours de Grand-père. L'idée de quitter quelques temps la ville m'aidait à m'éclaircir la tête et je sentais peu à peu le poids des responsabilités familiales me quitter, pour ma plus grande joie.

Jusqu'à ce que je le percute.

Un métropolite.

Bon sang, songeais-je, j'espère qu'il ne va pas me gâcher ma bonne humeur ! Mais il ne semblait pas suspicieux. Curieux, certainement, et si différent de ceux que je côtoyais que je ne ressentis nullement le besoin de me méfier de lui. À son ton amical, je répondis volontiers :

"Des broutilles, une dispute familiale, rien qui ne saurait perdurer dans le temps."

Je penchais la tête de côté, interrogative. S'il travaillait au ministère, l'avais-je déjà rencontré ? Probablement, mais il y passait tellement de monde qu'il m'était encore bien difficile de mettre un nom sur toutes les têtes que je croisais.

"Pour l'heure, poursuivis-je, j'ai l'intention de mettre un peu d'espace entre nous, juste le temps de laisser passer l'orage. J'en profite pour aller rendre visite à un ami que je n'ai pas vu depuis un moment. Mais vous aussi êtes plutôt matinal, non ? lui demandais-je, les sourcils relevés sous l'effet de la curiosité. Avez-vous tout comme moi des soucis qu'il vous faut faire disparaître avec la brume du matin ?"

Le métropolite regarda la jeune femme d'un air un peu amusé. "Des soucis ? Moi ? Vous devriez savoir que les métropolites ont toujours des soucis plein le chapeau, très chère" cantonna-t-il en lui lançant un clin d’œil complice et pointant son chapeau du doigt. Mais, plus étrange encore que la réaction elle-même, venant d'un métropolite, les gestes de cet homme semblaient imprécis, comme s'ils étaient en retard d'une fraction de seconde sur sa parole.

"Observer la brume matinale au-dessus de l'écryme est un spectacle que seuls peu de personnes ne savent apprécier. Les traversiers ont un avantage sur nous citadins, en cela. Ils semblent plus proche d'elle que nous, parfois. C'est vrai que d'un autre côté ils n'aiment pas la technologie, mais heureusement, tous ne sont pas de cette trempe. Il en est même, justement, qui ne se préoccupent que peu de ce que l'on peut bien faire sur la traverse." Il lui envoya encore un clin d’œil d'un air entendu. Était-il au courant de la destination de Johanna ? Connaissait-il peut-être même Edward ? Et toujours cette aura rassurante mêlée de tristesse, de mélancolie, d'une pointe d'amertume...

L'homme était étrange mais la discussion plaisante, bien qu'il semblât en décalage, mais à cause de quoi ? Difficile à dire.

"Je pense qu'il faut avoir une âme romantique pour apprécier cela, lui dis-je, songeuse avant de reprendre, taquine : "serait-il possible que vous soyez le premier que je croise doté de ce genre de sentiment ? Moi qui croyais les métropolites beaucoup trop sérieux."

L'image de Grand-père traversa mon esprit comme pour confirmer mes dires, lui et certains de mes collègues que je trouvais beaucoup trop concentrés et bien peu bavards au ministère. Parler avec cet homme me permettait de penser à tout autre chose, mais je savais aussi que le fait d'ignorer qui j'étais aidait grandement. Encore que ces derniers propos m'interpellèrent. Les métropolites étaient trop bien renseignés pour que ce genre de sous-entendus soit une coïncidence, néanmoins, j'étais d'humeur à narguer le Destin aujourd'hui, réalisant par là-même que Nicole avait beaucoup trop déteint sur moi.

"Je m'appelle Johanna Archambault, dis-je en tendant la main, mais tout le monde m'appelle Jo."

J'en profitais pour scruter attentivement sa réaction. Percer le masque de cet homme, voilà quel était mon défi du matin.

L'homme serra la main de Jo avec un regard doux, comme s'ils se connaissaient depuis des lustres.

"Les sentiments sont le fondement même de la vie, ma chère, vous ne croyez pas ? Que serait la vie si nous ne pouvions ressentir l'amour, la peine, la joie, la tristesse, voire même la colère ?" L'homme appuya légèrement davantage son regard sur ce dernier mot, Johanna se sentie comme aspirée l'espace d'une petite seconde. Elle lui regardait droit dans les yeux et pourtant ne voyait pas son visage, comme un rêve dans lequel les gens n'ont pas de vrai visage, on les connaît sans les voir, flous comme la brume matinale au-dessus de l'écryme qui semblait omniprésente en cet instant même.

"Ravi d'avoir fait votre connaissance, Jo." continua-t-il sans avoir marqué de pause, la sortant de sa transe qui semblait avoir duré une éternité. Il retira sa main gauchement, une fraction de seconde plus tard qu'elle ne l'aurait dû pour sembler naturelle, et pourtant il semblait tout ce qu'il y avait de plus sûr de lui. "Ne vous inquiétez pas pour votre projet, je suis sûr que tout se passera bien, faites néanmoins attention à vous-même, et surtout à l'écryme, elle peut être dangereuse quand on ne la connaît pas. Au revoir, très chère." Finit-il en touchant son chapeau d'une main gantée en guise d'adieu, avant de tourner les talons et disparaître dans la brume.

Johanna était sonnée. Combien de temps venait de passer ? Quelle étrange discussion qu'elle venait d'avoir... Mais... Avait-elle seulement discuté avec quelqu'un ? Avait-elle rêvé ? Elle avait un doute, ne sachant que trop que penser. Tout ce qu'elle savait, c'est que sa colère semblait amenuisée. Elle savait encore pourquoi elle était en colère, savait qu'elle devait être en colère, mais ne pouvait plus le ressentir. Pas maintenant. Elle avait fait place à une sorte de mélancolie, de tristesse légère, comme si d'autres sentiments essayaient de boucher le trou laissé par la colère disparue.

Que venait-il de se passer ? Était-ce un rêve ou... ? L'impression d'avoir raté quelque chose d'important m'effleura l'esprit l'espace d'une seconde puis s'en alla sans plus d'insistance. Surtout, pourquoi ce sentiment de tristesse ?

"Gatien..." murmurais-je, comme une prière.

Soudain, je me rappelais de mon rendez-vous et me hâta, ayant perdu la notion du temps. Il me fallait encore un moyen de transport et m'attelais à cela.

Johanna ne tarda pas de trouver une caravane en partance pour Ferraille. Le voyage était plus long que prévu, détail omis par Edward. Il avait la fâcheuse tendant à sous-estimer les dépenses, quand il était passionné, et elle le soupçonnait d'avoir tu cette information pour être sûr qu'elle le rejoigne.

C'est au bout de plusieurs jours de voyage qu'elle arriva à bon port. Avec ses compagnons de voyage, ils formaient une troupe très hétéroclite : des traversiers cherchant un nouveau refuge, des anthropo-mécanologues voulant mener à bien un nouveau projet, des marchands venus chercher des pièces rares à revendre, des adeptes de Malachines en pèlerinage pour prier les aérostats morts... Johanna ne dénotait pas tant que ça, finalement, et du moment qu'elle payait la taxe de voyage demandée, les questions restèrent superficielles.

Ferraille était une cité tout à fait particulière : Elle était construite sur les ruines de centaines d'aérostats échoués dans l'écryme. Les centaines de carcasses formaient une île improbable, absurde, sur laquelle se sont construits des hangars, entrepôts, refuges et autres maisons de fortune. La cité grouillait de monde, bien plus qu'elle ne l'aurait imaginée, et elle était aux anges. Elle retomba en enfance à voir toutes ces pièces, toute cette ferraille, bien que rouillée, qui n'attendait qu'elle pour être assemblée en quelque chose de grandiose.

Elle ne mit pas longtemps avant de finalement trouver le grand hangar qu'Edward lui avait décrit, une sorte de colline couverte de tôle froissée, à seulement une petite dizaine de mètres de la mer d'écryme.

Loin, si loin ! Les premiers jours, j'en voulus énormément à Edward de m'avoir caché cela. Bon sang, moi qui n'avais jamais quitté la ville, j'étais bien servie ! Heureusement que j'avais prévu un peu de change mais l'arrivée se faisait désespérément attendre et l'envie d'un bon bain, de plus en plus pressante. Ne voulant pas rester enfermée dans ma bulle de ressentiment, je sympathisais avec quelques-uns de mes partenaires de voyage, permettant ainsi à ce dernier de passer plus vite. Je m'intéressais notamment davantage aux antropo-mécanologues présents tout en discutant avec qui le voulaient bien. J'avais décidé de ne pas bouder mon plaisir et de profiter de ce premier voyage. Après tout, cela pouvait être tout aussi bien le dernier.

J'accueillis avec joie l'annonce de notre arrivée à Ferraille qui portait parfaitement bien son nom. Edward ne m'ayant rien expliqué, je découvris avec émoi et un certain empressement de quoi était composée l'île. C'était incroyable, mais aussi, par certains côtés, un peu effrayant. Je pris le temps de bien suivre les indications que m'avait laissé le mécanologue et trouvait finalement son lieu de... travail ? Habitation ? Dans mes souvenirs, le premier avait très souvent tendance à empiéter sur le second. Je me rapprochais tout en gardant un œil méfiant à la mer d'écryme bien trop proche à mon goût. C'était la première fois que je la voyais d'aussi près et cela avait quelque chose d'angoissant, surtout lorsque l'on en connaissait la dangerosité. Un frisson  de frayeur me traversa du creux des reins jusque dans la nuque, avec une lenteur qu'on aurait dit calculée. Je détournais le regard pour me concentrer sur mon lieu de rendez-vous qui s'était déjà bien rapproché. Arrivée devant la grande porte du hangar, je frappais un grand coup de mon poing fermé sur la tôle avant d'entrer.

"Edward, tu es là ?"

"Qui est là ?"
La voix qui répondit au lointain à l'appel de la jeune femme ne lui était pas familière du tout. C'était une voix d'homme plus claire, plus jeune. Au bout de quelques petites secondes, un homme d'une trentaine d'années se tenait devant Johanna. Bien bâti, des cheveux longs mais fins attachés en queue de cheval, cachés par un béret, il était bel homme et semblait ne le savoir que trop bien. Il portait un pantalon de travail usé, soutenu par des bretelles qui lui passaient sur son torse nu et luisant de sueur et de graisse de moteur. Il tenait un torchon avec lequel il s'essuyait doucement les mains.

"Vous devez être... Anna, c'est cela ? Edward m'a parlé de vous, vous étiez la pièce manquante de l'équipe. Et si vous me le permettez, il n'est pas étonnant qu'on vous ai attendu : les choses les plus belles sont toujours celles que l'on attend le plus." Lui lança-t-il avec un sourire séducteur et des yeux dévorants.

"Bosko Ondrusov, pour vous servir. Soyez la bienvenue sur notre projet" continua-t-il "si vous cherchez Edward, il est dehors, devant l'écryme, il fait une pause."

Le hangar était gigantesque. Au beau milieu, sur des rails, siégeait la cabine d'un vieil aérostat, cassé, rouillé, rongé par l'écryme, mais en état de réparation. Des chaînes tenaient de grandes plaques de métal au-dessus de lui, soutenues par des poulies au plafond. Au bout des rails se trouvaient une grande porte et on pouvait déceler à sa base qu'elles ouvraient sur la mer d'écryme. Il n'y avait aucun doute : cette carcasse d'aérostat avait pour but de finir par voguer sur la mer acide. Un projet de folie !
Sur la gauche se trouvaient d'autres portes, fermées pour la plupart, mais l'une d'entre elles, entrouverte, montrait ce qui devait servir de chambre à l'une des personnes présentes. Probablement que les autres étaient des pièces à vivre également.
Une autre pièce sommaire avait été aménagée à droite de l'entrée et la fenêtre qui y avait été laissée montrait qu'elle servait de bureau, remplie de paperasses diverses. Edward devait certainement y passer du temps car le bazar ambiant portait clairement sa marque.
À côté des rails et des grandes portes donnant sur l'écryme s'en trouvait une autre, de taille humaine, à la fin de quelques marches, c'est de cette porte que le dénommé Bosko parlait en indiquant où se trouvait Edward.

L'apparition soudaine de cet inconnu, additionnée à sa tenue et à sa façon de me regarder me mirent instantanément le rouge aux joues. Je détournais les yeux, quelque peu gênée et laissait mon regard vagabonder dans le hangar.

"Johanna, corrigeais-je distraitement, mais tout le monde m'appelle Jo..."

Le bellâtre venait de voir sa présence totalement éclipsée par la carcasse gisant sur le sol du hangar. Un projet faramineux et surtout magnifique se découvrait sous mes yeux. Cet aérostat m'hypnotisait totalement alors que je m'approchais doucement, comme pour ne pas l'effrayer en marchant trop vite. Je contemplais, ébahie, sa grandeur blessée, les chaînes qui soutenaient des plaques de sa nouvelle peau tout le temps que durerait son opération de sauvetage, sa résurrection. Je me pris à rêver, me voyais au commande d'un vaisseau de ce genre, avant de réaliser qu'Edward m'avait bien eu. Je me retournais vers celui qui m'avait accueilli, des étoiles plein les yeux.

"C'est fantastique ! Quand l'avez-vous trouvé ? Et comment ? Combien êtes-vous sur ce projet ?"

Cette fois, c'était le rouge de l'excitation qui brûlait mon visage. Une chose pareille, combien de chances avais-je réellement de voir un jour un chantier d'une telle ampleur et même d'y participer ? Je n'avais plus qu'une envie : le voir renaître sous mes yeux.

"À la bonne heure !" s'esclaffa le travailleur. "Voilà qui m'en bouche un coin. Je n'aurais pas pensé qu'une citadine comme vous puisse avoir à ce point envie de mettre les mains dans le cambouis et se salir. Ça fait plaisir à voir. Et je suis sûr que vous devez être ravissante en tenue de travail." finit-il sur un ton suave qui se voulait aguicheur.

"L'aérostat, c'est Edward qui l'a trouvé, il y a quelques semaines. Me demandez pas pourquoi, il a absolument tenu à ce que ce soit celui-là. Il raconte que c'est l'aérostat qui l'a choisi et non l'inverse... vous savez comment il peut être parfois, quand il parle de ses projets. Il l'a trouvé lors d'une de ses nombreuses visites à Ferraille, il ne cherchait qu'à s'approvisionner en matériel quand il a trouvé la bête. Il faut dire qu'il a l’œil. À part les quelques casses et la rouille, elle est en bon état et son plan peut tout à fait fonctionner, si vous voulez mon avis. Avec vous, nous serons à 5 à travailler dessus. Ça peut sembler peu, mais je pense qu'il est sage qu'aussi peu de personnes que possibles ne soient au courant de cette folie. On risquerait tous un bain d'écryme si les métropolites venaient à le savoir. À part nous deux et le vieux Edward, il y a Máté, elle doit être dans sa chambre, et Antal, qui est allé chercher de quoi manger. Vous venez juste pour le déjeuner, chanceuse que vous êtes."

En plus de son corps, il savait se servir de sa langue. Paraissant être un vulgaire dragueur de prime abord, il sait se tenir en parlant et peut avoir des airs de professionnel, parfois. Ayant déjà eu affaire à ce genre d'individus, Johanna n'avait pas de mal à voir que Bosko avait des connaissances en marchandage, s'il n'était peut-être pas carrément un noble marchand. Quant à savoir si son baratin était une façade ou sa véritable personnalité, seul le temps pourrait le révéler.

"Je vous prierai de ne pas me juger selon les apparences, répondis-je en lui tirant la langue, plus amusée que véritablement vexée, c'est Edward qui m'a tout appris, le saviez vous ?"

Plus je regardais le cadavre de l'aérostat, plus j'étais pressée de commencer le travail. Bosko avait raison, c'était un projet totalement insensé qui durerait des semaines, voire des mois. Si Grand-père savait cela, il serait totalement fou de rage, pensais-je en riant. Une chose était certaine, je ne serais pas présente à ce fameux dîner.

"Alors il l'a trouvé ici" , murmurais-je avant de reprendre plus fort, ignorant superbement ses vagues tentatives de séduction : "Edward a toujours eu ses petites manies, mais on ne peut lui enlever son flair. Quand je pense qu'il ne m'a rien dit, si j'avais su, j'aurais emmené plus d'affaires."

Je me rapprochais de nouveau de Bosko, tenant mes mains fermement l'une contre l'autre pour tempérer mon excitation.

"Dans quel état se trouve la machinerie à l'intérieur ? lui demandais-je. J'imagine que depuis le temps, un grand nombre de pièces a été soit volé soit détruit par le temps. D'ailleurs, depuis quand était-il échoué ici ? Avez-vous trouvé quelque part la date de sa mise en circulation?"

"Si c'est lui qui vous a tout appris, vous devez être aussi bonne mécanologue que vous êtes belle, j'imagine" répondit-il sur un ton un peu moqueur, se prenant au jeu de la jeune femme.

"Vous savez certainement que le sens des priorités d'Edward n'est pas forcément celui des autres personnes. Il s'est contenté du stricte minimum et ne pense pas que les autres n'ont pas les mêmes attentes ou habitudes. Et sans vouloir vous vexer..." il montra l'habillement de Johanna de ses yeux "... je doute qu'il ai l'habitude de travailler avec des personnes ayant vos habitudes vestimentaires. Du moins quand il est à Ferraille."

Bosko avança doucement vers l'aérostat échoué sur un plateau dont les roues sont bloquées sur les rails par de grandes cales en métal, il commençait à montrer le bébé du savant à Johanna "L'aérostat est en meilleur état que ce que nous espérions, un vrai bijou compte tenu des autres cadavres qui fondent cette cité. On a pas l'âge exact de la bête, mais vu la construction, le modèle et l'état de délabrement, je pense qu'il a dû s'échouer vers la fin des guerres d'Acrymonie ou juste après. Nous travaillons depuis déjà un moment dessus, Edward nous a rencontrés et recrutés au fur et à mesure. Il a bien sûr été le premier et a travaillé seul sur le projet pendant quelques temps. La salle des machines est déjà quasiment terminée. Nous avons pu convaincre Edward d'y ajouter des couchettes qu'il semblait juger inutiles, à son goût. On y a donc rajouté des cabines personnelles. Les moteurs à vapeur ont été modifiés pour transférer leur énergie sur le côté. Nous travaillons actuellement sur la transmission. Comme ce seront des roues latérales qui feront avancer l’engin, on a penser ajouter un différentiel, pour qu'elles soient synchronisées, mais j'avoue que nos compétences sont peut-être trop limitées pour cela. Dans l'ensemble, les travaux se passent bien. On a déjà récupéré pas mal de matériel pour l'extérieur, qui viendra se construire autour du reste, ce sera le plus délicat, l'étanchéité devra être parfaite."

Le travail déjà effectué était effectivement étonnant. Autant on pouvait reconnaître ses origines d'aérostat, autant la machine commençait à se transformer, à faire peau neuve. Les grandes plaques suspendues et la carlingue ouverte faisait penser à une image d'anatomie d'une larve qui se métamorphosait lentement dans sa chrysalide. Compte tenu du faible nombre de participants, les avancées déjà faites semblaient réellement prodigieuses. Elle avait visiblement affaire à des experts en la matière. Mais était-ce vraiment étonnant, quand on connaissait le commissionnaire de tout cela ?

Bosko se tourna vers Johanna, l'air un peu plus inquiet, cette fois. Il ajouta à voix plus basse "Bon, je vous avoue que je me fais un peu de soucis pour le vieil homme, en ce moment. Il passe pas mal de temps devant l'écryme ces derniers jours et parfois il reste comme en contemplation devant son projet. Ce n'est pas alarmant, je pense, j'ai juste peur qu'il ne commence à en douter. Si vous vous sentez d'attaque et que vos liens avec votre mentor sont assez forts, vous pourrez peut-être lui en toucher un mot ou deux dans un moment calme."

Je rosis à la fois sous les compliments et le regard appuyé de Bosko sur mon allure vestimentaire mais ne répondis rien, il avançait déjà vers l'aérostat pour me raconter son histoire ainsi que l'avancée des travaux de restauration. J'ouvris de grands yeux en constatant qu'ils étaient bien plus avancés que je ne l'aurais imaginé.

"Edward a dû vous faire travailler nuit et jour pour en arriver à un tel résultat", dis-je, stupéfaite autant qu'impressionnée. "Peu après la guerre", soupirais-je.

Était-ce un coup du Destin ? Si oui, pour une fois il faisait très bien les choses. J'aurais pu rester ici étenellement, à contempler cette machine qui ne demandait qu'à repartir voyager. J'entendis les inquiétudes du beau mécanicien au sujet de celui qui nous avait tous réunis ici et j'éprouvais immédiatement la même crainte que lui, ce n'était clairement pas dans les habitudes de notre ami commun.

"Je vais aller le voir, je dois lui remonter les bretelles pour avoir osé me cacher une telle découverte. Et en parlant de bretelles..."

Mue par une audace que je ne me connaissais pas, je m'approchais de Bosko, taquine.

"Si par vos belles paroles, commençais-je en attrapant l'une d'elles d'un doigt, vous vous imaginiez me voir habillée comme vous et sans rien d'autre en dessous..."

Je tirais légèrement la bretelle avant de la relâcher sur un petit "clac !" sonore du plus bel effet.

"... Vous vous mettez le doigt dans l'œil jusqu'au coude !"

Je tirais la langue et filais par la porte qu'il m'avait indiqué plus tôt sans lui laisser le temps de répliquer. Je me retrouvais alors au dehors de nouveau avec l'impression de rêver. Je voulais profiter de ce cadeau inattendu, mais pour cela, je devais trouver Edward.

Bosko ne cilla pas au claquement de sa bretelle, tentant vainement d'impressionner la nouvelle venue. À défaut de pouvoir la séduire, ils pourraient au moins s'amuser ensemble, les prochains jours s'annonceraient alors moins monotones. Il prit un doux plaisir à la regarder partir avant de se concentrer à nouveau à son travail. Il bondit élégamment dans l'intérieur du vaisseau en devenir et se mit à marteler.

Les bruits du travail de Bosko étaient amplifiés par le haut plafond dans le hangar, Johanna allait devoir trouver une solution si elle ne voulait pas perdre à jamais son ouïe. Heureusement, pour l'instant, elle s'éloignait du vacarme, à la recherche de son vieux mentor.

Le soleil de midi aveugla la jeune femme qui venait tout juste de s'habituer à l'obscurité du hangar. Après quelques clignements, elle fut prise d'angoisse autant que d'émerveillement en voyant la mer acide devant elle, à seulement quelques pas. Des vaguelettes venaient s'échouer contre les portes du hangar. De petites fumerolles s'échappaient par le sol fait de bric et de broc, de ci de là, à cause de la dissolution de quelque matière organique qui aurait essayé de goûter à l'écryme. Souvent, les restes de repas étaient simplement jetés à l'écryme, ce qui rendaient les traverses et cité traversières plus propres que beaucoup de grandes villes.
Edward se tenait à une courte distance de Johanna. Habillé de ses vêtements de travail habituels - il semblait être né dedans - seulement protégés par son vieux tablier rafistolé de morceaux de tissu dépareillés et renforcé par quelques plaques de métal, elle le voyait de dos, face à l'écryme, comme s'il essayait d'y tremper les pieds. Il semblait regarder au loin plutôt que de prendre garde à ne pas se faire surprendre par une mauvaise vague d'écryme. Immobile, ce n'est qu'en s'approchant d'avantage qu'elle se rendit compte qu'il marmonnait quelque chose dans sa barbe naissante, alors que d'ordinaire il faisait attention à être toujours rasé de près. Elle ne put entendre qu'un léger "... te reposer" de sa part, comme s'il se parlait à lui-même, avant de lui adresser la parole. Cela ne manqua pas de le faire sursauter légèrement. Il la regarda un court instant, comme s'il ne savait plus où remettre ce visage, avant que ses traits ne s'adoucissent à nouveau au moment où il reconnut sa petite protégée.

Avant d'arriver, je voulais le remettre gentiment en place. Avant de parler à Bosko, je tenais à lui demander pourquoi il ne m'avait pas prévenu. Avant de le voir, je voulais simplement lui demander comment il se portait. Maintenant, j'ignorais quoi lui dire. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Je me rappelais avoir été surprise, cinq ans auparavant, de la fragilité, de l'humanité que pouvait ressentir mon grand-père malgré sa carapace. Je ne m'attendais pas à voir ce même sentiment resurgir en cet instant alors que je le voyais pour la première fois depuis des mois. Je m'installais à ses côtés, regardant avec méfiance l'écryme bien trop proche à mon goût.

"Tu as l'air épuisé, commençais-je. Et démoralisé."

Je le regardais et mon cœur saigna en voyant sa triste mine.

"Ce projet est le plus ambitieux de ta vie, que t'arrive-t-il ?"

Les cernes creusaient davantage le visage du vieil homme qu'il n'en était conscient et ses joues commençaient doucement à se creuser. Il semblait triste, malgré son sourire sincère en voyant Johanna. Il était vraiment heureux de la voir et se sentait soulagé.

"Ma chère enfant, si tu savais le plaisir que j'ai à te revoir." Lui dit-il doucement sur un ton paternel "Oui, ces derniers temps mon sommeil est quelque peu agité, mais ne t'en inquiète pas, il ne s'agit de rien de grave."

Il pointa de la tête vers le hangar "Oui, c'est bien mon projet le plus ambitieux. Le projet de ma vie, pour être honnête, qui va bien plus loin que ce que moi-même je ne peux imaginer." Son regard, bien que porté sur les pores de hangar fermées, commençait à se faire distant "Je l'ai trouvée il y a quelques semaines. Elle était tout à fait particulière, bien différente de tous les autres aérostats. Elle ne devait pas rester là..." Il se tourna vers l'écryme, une main reposant encore sur l'épaule de la jeune femme "Ensemble, nous pourrons faire quelque chose de grandiose, ma chère..."
Il semblait à nouveau parti dans ses pensées, alors que Johanna était encore à ses côtés.

Je lui souris, mais la joie de le revoir était teintée de la tristesse à le voir aussi épuisé. Il était bien plus qu'un simple mentor pour moi, c'était un membre de ma famille, l'une des rares personnes à me comprendre.

"Bosko m'a déjà raconté tout ça, lui dis-je doucement. Il m'a aussi fait part de ses inquiétudes vis-à-vis de ta santé et il a parfaitement raison. Tu devrais te reposer et s'il faut que je te borde pour m'assurer que tu dormes, je le ferais. Tu sais que j'en suis capable."

J'ôtais doucement sa main de mon épaule pour me relever. Je lui tendis la mienne, décidée à l'entrainer à l'intérieur, loin de cette mer mortifère.

"Tu vas manger quelque chose, Bosko m'a dit que le repas arriverait sous peu, et après, une bonne sieste. Tu as besoin d'une infirmière plus que d'une autre mécanologue, j'en ai peur", ajoutais-je avec un clin d'œil.

Spoiler:

Jet:

Le vieil homme retournait son regard vers la jeune femme. Il l'affectionnait beaucoup. Elle se souciait de lui, cela le touchait.
"Tu as raison, Jo. Je devrais me reposer, mais pas tout de suite. Allons d'abord manger quelque chose, Antal devrait être revenu avec le repas. Après cela je voudrais continuer une pièce sur laquelle je travaille en ce moment, mais je te promets que j'irai me coucher plus tôt qu'à l'accoutumée ce soir, si tu me le rappelles." Il lui fit un clin d’œil complice qu'elle ne comprenait que trop bien. Elle savait que si elle voulait qu'il se couche plus tôt, elle allait vraiment devoir le lui rappeler.

Un homme au corps noueux était en train de vider la petite caissette sur une table. Il y disposait 3 rats grillés, un grand bol de champignons fumants et une grande assiette de mousse fraîche. Quelques herbes séchées posées à côté servaient de condiment, il y avait de quoi nourrir tout le monde. L'homme posa un regard légèrement interrogatif sur Johanna. Sa barbe mal entretenue et ses vêtements solides, mais élimés, lui donnaient un air un peu limité, mais ses yeux trahissaient des émotions fortes.

Bosko ne s'intéressait pas au couple insolite qui arrivait, occupé qu'il était déjà à se servir sa pitance. La dénommée Máté n'était pas encore à table, mais sa voix, un peu endormie, résonnait du fond de sa chambre pour prévenir l'équipe de son arrivée imminente.

Rassurée qu'il prenne mon avis en compte, je le raccompagnais à l'intérieur, me promettant de veiller à ce qu'il aille bel et bien se reposer. De retour je rencontrais le fameux Antal, chargé de ramener le repas. Mon estomac grognait déjà à la pensée de se restaurer jusqu'à ce que j'aperçoive le menu. Je marquais un temps d'arrêt bien trop long pour ne pas paraître pour ce qu'il était : celui de quelqu'un dont le régime alimentaire n'était pas composé de rats. Je regardais Bosko et Edward tour à tour, quelque peu incrédule, m'attendant à une sorte d'épreuve d'initiation mais il s'avéra rapidement que non. C'était la première fois que j'étais véritablement confrontée à la pauvreté, même Gatien s'en sortait un peu mieux, surtout maintenant. Je ressentis de la honte à partager ainsi leur maigre repas et rougis fortement en songeant que le simple contenu de ma valise pourrait être échangé contre près d'un mois de repas "normaux". Je m'assis avec un "merci" chuchoté, mal à l'aise.

"Je... je m'appelle Johanna, dis-je à Antal, enchantée de faire votre connaissance. De quoi vous occupez-vous sur le chantier ?"

Autant parler de la seule chose que nous avions en commun pour éviter un long silence pesant.

Antal ne répondit qu'au bout d'un court instant, comme s'il essayé d'évaluer s'il allait répondre à l'étrangère ou non. Sans animosité aucune, il semblait néanmoins être méfiant vis-à-vis d'elle. Il commença, un peu hésitant, marmonnant à moitié "Eh bien, je suis destiné à être le copilote d'Edward. Et vous êtes Johanna, c'est ça ? D'où venez-vous ?"

Il commença à se servir un morceau de rat accompagné de champignons et d'un peu de mousse. Il saupoudra des aromates sur sa viande grillée avant de la manger par petits morceaux avec les doigts, faisant attention de ne pas s'en mettre dans sa barbe hirsute. La scène ne manquait pas d'un certain comique décalé.

"J'ai grandi à Méthalume, répondis-je. C'est là que j'ai rencontré Edward, il m'a enseigné l'anthropo-mécanologie après que j'ai lourdement insisté auprès de mes parents."

J'hésitais un instant. Le groupe qui se trouvait ici -moins celle qui dormait toujours- avait déjà effectué un énorme travail, aussi me tournais-je vers mon ami.

"Tu m'as appelé, mais je ne vois pas bien en quoi je pourrais t'être utile. Ne va pas croire que je regrette d'être venue, au contraire ! Ton message est arrivé juste au bon moment pour..."

Je m'arrêtais et agitais une main avec un sourire contrit.

"Oublie, ce n'est pas le moment de parler de mes problèmes, dis-moi plutôt de quoi tu as besoin ?"

Antal écouta attentivement la réponse de Johanna et ne la quitta pas des yeux quand elle s'adressa à Edward. Ce dernier ne s'attendait pas à ce retour d'attention pour sa personne et paru un peu surpris. Il bredouilla "Eh bien... Euh... Pour continuer le travail... En fait, pour financer nos travaux, on doit parfois accepter des petits boulots. Pour ça on y affecte toujours l'un de nous, mais il manque alors sur le projet. Or, comme on s'approche de la fin, je voudrais terminer aussi rapidement que possible et avoir toujours au moins 4 personnes dessus..."

Alors qu'ils discutaient, la dernière participante de cette grande aventure s'approchait de la table. Les yeux encore endormis, elle venait visiblement de faire une sieste réparatrice et avait ses longs cheveux en bataille, partiellement aplatis et encore collés par la sueur du travail matinal. Ses vêtements étaient aussi sales et usés que ceux des autres. Elle était encore jeune, en bonne forme et musculeuse. Elle dégageait une certaine énergie qui à elle-seule justifiait sa présence au sein du groupe.

Je saluais la nouvelle venue tout en écoutant Edward. Ce qu'il disait faisait sens, ils avaient besoin d'avancer dans les réparations mais aussi d'argent. Encore une fois je me sentis mal à l'aise en voyant la tenue de celle qu'ils appelaient Máté. Je mangeais le repas du bout des dents, trouvais que cela n'avait finalement pas un goût aussi détestable qu'escompté, mais je préférais ne pas trop empiéter sur leurs parts. Ils avaient déjà à peine assez pour eux tous, rajouter une bouche à nourrir compliquerait singulièrement la donne.

"J'aiderais avec grand plaisir, souris-je gaiement. Tu n'auras qu'à me dire quoi faire. Ho, où vais-je loger ? et..."

Je voulus demander où laver mes vêtements et me laver moi, mais je me retins. Je ne voulais pas passer pour une princesse débarquée de la Grande Ville même si, au fond, c'était la stricte vérité.

"Oublie, chaque chose en son temps, dis-je d'un ton penaud. À ton avis, quand pourras-tu faire les premiers tests ?"

La nouvelle venue s'assit en s'étirant, se passant les bras par derrière la tête, devant la poitrine, toute contorsion nécessaire à assouplir ses muscles. Elle commença à se servir et parler en même temps à Johanna. "Salut, je suis Máté. Tu dois être Johanna, c'est ça ? Bienvenue à bord, ma grande." Les mains encore sales par le repas, cela ne l'empêcha pas de repousser sa longue tignasse blond cendré en arrière pour ne pas finir dans sa bouche. Décidément, les mœurs ici n'étaient pas les mêmes qu'à la maison. Ils semblaient tous habitués à la saleté, la crasse, la transpiration... Pas étonnant lorsqu'on travaillait dans un tel environnement, mais il détonnait tellement de l'atelier quasiment aseptisé dont elle avait l'habitude à la maison...

C'est Edward qui repris la parole pour répondre à sa jeune amie "Je vais te montrer ta première mission. Tu travailleras justement avec Máté. Pour ta couche, ne t'inquiète pas, on a ce qu'il faut. Et..." il hésita un instant à aborder la question devant les autres, un peu gêné "... si tu n'es pas à l'aise, on peut te trouver une chambre dans la cité." Des coups d’œils entendus et légèrement moqueurs s'échangèrent entre les trois autres compères à ce moment-là. "Quant aux tests..." Poursuit-il, une lueur pleine d'espoir, de joie et de fierté commençant à poindre dans ses yeux "... il y aura le baptême du feu. Mais crois-moi, ça fonctionnera. Je le sais !" Bien que cette dernière phrase puisse paraître insensée, Johanna le croyait.