Chapitre 1.1 - Où les personnages s'en vont en train - Terminé

Alors que la compagnie nouvellement formée en était encore à ses présentations mutuelles et le premier bris de glace, un jeune steward en livrée blanche vint se tenir dans l’entrée de la cabine après avoir toqué doucement et poliment contre la porte.

D’un ton très feutré et respectueux, il leur annonça "Mesdames et messieurs, pardonnez s’il vous plaît cette interruption, le maître contrôleur a le plaisir de vous annoncer que le Transécryme à destination de Venice démarrera dans quelques instants. Veuillez prendre garde à la légère secousse de démarrage, nous vous conseillons à cet effet de rester assis. Nous informons également nos aimables passagers que l’une des traverses étant en réparations, nous expérimenteront quelques ralentissements, durant lesquels nous vous proposerons des activités afin de rendre ces désagréments aussi agréables que possibles. Le dîner sera servi à partir de dix-neuf heures dans les wagons-restaurants, dans lesquels vous pourrez également prendre des rafraîchissements tout au long de la journée. En cas de besoin, nous sommes à votre disposition jour et nuit dans la cabine au bout du wagon, n’hésitez pas à nous faire connaître vos besoins à toute heure de la journée. Au nom de tout l’équipage du Transécryme, je vous souhaite un excellent voyage."

Le jeune homme disparut dans le même silence qu’il était apparu, continuant son chemin pour rejoindre la prochaine cabine de l’étage, pour leur répéter la même litanie. Il le ferait jusqu’au bout, tout comme ses collègues dans les autres wagons, après quoi le train prendrait enfin la route. Plus que quelques instants et le voyage commencerait enfin.

Olm hocha la tête. Etrange sensation, en ces temps troublés, que d'avoir une honnête et simple conversation avec une inconnue. Il n'échangeai ni coup de poings, ni messages protocolaire avec ces personnes, de simples paroles, vides d'intérêt mais pleines de tout ce que l'humanité a tant besoin : de distractions. Ces instants sans théories, sans calculs, sans besoin d'analyse et de réflexion. Ces instants sans tractations, sans politique, sans peur... Ces instants qui sont comment une bouffée d'air, dans la suffocation quotidienne de la vie.
"Quelle belle occupation, la peinture, répondit l'homme aux cheveux bouclés en pensant aux arènes dans lesquelles son nez s'était retrouvé sanglant et où il avait cassé nombre de rotules. Profonde, saine, belle et... il est bien plus aisé de plaire, quand on est en mesure de montrer à quelqu'un la beauté que cette personne reflète à travers le miroir de nos yeux."
Ces derniers mots, il les avait lancés avec un petit sourire pour la jeune femme dont il avait surpris le tressaillement des lèvres à la mention de cet ami. Après cet instant de grâce, Sherrinford Olm fronça les sourcils et leva son regard vers la traversière qui se tenait encore dans la salle d'eau.
"Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'attendre le départ du transécryme, si vous voulez profiter d'un petit bain, dit-il avec un sourire convaincant et encourageant. Personne ici, je pense, ne vous en voudra de prendre la primeur d'une petite immersion."

"D'une.. Quoi...?"

Deepika n'avait pas compris le terme d'immersion. Pour sa décharge, elle ne vivait pas souvent ce genre de moment. Mais remis dans son contexte, toute la gentillesse affichée de Olm fit écho et dans un silence reconnaissant, elle s'enferma dans le cabinet de toilette.

Et l'eau, enfin, coula.

Je regardais Deepika investir la salle de douche avec un certain amusement, puis me retournais vers le premier des deux occupants qui avaient précédé mon arrivée dans le compartiment.

"Vous semblez connaitre Venice à vous entendre, y avez-vous vécu ? Quel métier y exerciez-vous ?"

Sherrinford se détourna de la porte de la salle d'eau qui venait de se fermer pour faire face à la jeune femme. Il sourit et dit simplement :
"Je travaille à mon compte. Il m'arrive d'être engagé pour retrouver certaines choses, certaines vérités que l'on aura pu perdre. J'ai vécu à Venice pendant des périodes plus ou moins longues, chaque fois pour le travail. Il y a de quoi faire, dans la cité des arts, pour un franc-détective."

Son sourire aux lèvres, l'enquêteur n'ajouta pas que si la cité des arts était celle des peintures, de la musique, des sculptures et de tous les autres, celui que tous y maîtrisait était définitivement l'art du mensonge.

En fond de description avantageuse de la Venice, les passagers pouvaient apprécier les clapotis de la salle d'eau. Mais aussi des exclamations indiquant que l'eau était à la bonne température et que les savons dégageaient des parfums divins.

"Aïe, ça brûle....

Qu'est ce que c'est cette odeur.......

.... Ah c'est fort, ça cocotte un peu.. ..

... Ça pique les yeux, cette savonnerie !"

Muré dans ses pensées, Radvan écoutait d'une oreille les conversations échangées entre le pseudo-métropolite et la fille au chapeau. Il avait lancé la conversation, et c’était très bien ainsi. Que le dénommé Olm prenne le relais était une bénédiction, en vérité.

Il observait à la dérobée les deux autres énergumènes qui se trouvaient avec eux dans leur compartiment. L'étrange duelliste qui pliait ses vêtement avait l'air absente, complètement désintéressée par l'ambiance du wagon. Pour peu que Radvan évite de la chercher sur un sujet qui lui tenait à cœur, il n'aurait pas à s'en soucier.

Restait la seconde, l'étrangère nommée Aydin. Au cours de ses multiples affaires, il avait plusieurs fois eu affaire à des traversiers, mais jamais à pareil cas. La pauvre fille semblait déboussolée, et découvrait avec émerveillement que de l'eau pouvait sortir d'un conduit. Quelle misère. Elle n'avait décemment pas pu prendre d'elle-même une place dans le transécryme, quelqu'un l'y avait placé d'office.

Quelqu'un...

Radvan fronça les sourcils. Des connections commençaient à faire jour dans son esprit, et il n'aimait pas la direction qu'elles indiquaient. Les images du métropolite et de la gamine revinrent flotter dans un coin de son esprit, lancinantes et sournoises. Et avec elles, le relent âcre de la peur ressentie ces dernières heures s'y faufila. Insidieux et tenace. Froid et implacable. Mortel.

Non. Décidément, Radvan n'aimait pas du tout le tournant qu'empruntaient ses déductions.

Il s'arracha de force à ces pensées noires, et se concentra de nouveau sur les deux autres qui discutaient avec entrain. Radvan sourit, amusé. A bien les écouter, l'idéaliste n'était pas celle qu'on aurait pu croire. Le Gestionnaire manqua d'éclater de rire lorsque le brun fit mention l'honnêteté de Méthalume. L'honnêteté ! On croyait rêver, d'où sortait cet escroc ?

Mus par la situation, des océans de souvenirs se déversèrent à flot dans l'esprit de Radvan. Méthalume, honnête ? Non, et Venice n'échapperait pas à la règle de monde. Oui, elle serait tout aussi corrompue, et tant mieux si en surface les choses n'en avaient pas l'air. Si une couche d'or était venu couvrir la crasse de la ville tentaculaire du Lansk, Radvan l'aurait prise plus que volontiers. Mais non, Méhtalume ne pouvait même pas se payer ce luxe.

Et pourtant, Sherringford voyait les choses autrement. Sous ses airs refermés et calculateur, Sherrinford était un homme passionné. Le gestionnaire nota ce détail, important à conserver, car potentiellement utile par la suite.

Maintenant qu'il se calmait et réfléchissait, Radvan remettait les choses en perspective. Il avait déjà entendu parler de ce Sherringford. Un détective privé, coutumier des métropolites, qui avait déjà mis des bâtons dans les roues à certains de ses anciens subalternes. On le disait méthodique, sans cœur et efficace. Voilà qui compliquait les choses. Un trajet sans encombre signifiait l'avoir à l’œil.

En face, la gamine répondait avec une naïveté touchante. Johanna Archambault, comme elle s'était nommé à l'entrée de la petite perdue. Archambault... Archambault... Ce nom sonnait familier. Oui, Radvan le revoyait... dans la bouche de Vuk. Le même Archambault ? Impossible. Quoique...

Un frisson désagréable couru le long de la colonne de l'homme de main. Peut-être que non, mais peut-être que oui. Il se devrait la surveiller également. Après tout, l’innocence faisait à merveille office de façade facile pour l'idiot imprudent.

Radvan haussa un sourcil à la mention de Franc-Détective par Sherringford. Il ignora sans vergogne les borborygmes à demi-étouffés de la sauvageonne qui découvrait les bains et revint dans la conversation :

- Vous officiez donc en renfort du gouvernement ? Une belle activité, que de se rendre ainsi utile au Tsar. J'y avais songé, fut un temps. Mais les idées passent vite,  c'en est effrayant. Et quelle affaire nécessite un homme de votre trempe sur place ? Seriez-vous vous aussi tout autant féru de peinture ?

Radvan sourit à demi, obséquieux comme tout mondain ordinaire qui se respecterait.

Suivant les réponses de l'homme, il vérifierait petit à petit l'une de ses théories.

Franc-détective ? Qui officiait pour le gouvernement ? À dire vrai, si je savais que le ministère employait ce genre d'hommes, je ne m'attendais pas à en trouver un dans le même train que moi, encore moins dans le même compartiment. Était-il engagé par ma famille pour me surveiller ? Je le jaugeais du regard, soudainement méfiante avant de réaliser que ce n'était sans doute pas le cas : qu'il s'agisse de Grand-père ou de papa, aucun ne placerait ce genre d'agent pile sous mon nez, sauf s'il s'agissait pour eux de me montrer que, désormais, ils surveilleraient le moindre de mes faits et gestes. Peut-être était-ce le cas, finalement. Dans ce cas, ce détective aurait-il un rôle de chaperon ? Voilà qui avait le goût de me déplaire profondément et qui devait sans doute ennuyer cet homme tout autant, d'où ses étranges réactions. Il ne m'était de toutes façons guère possible de lui poser directement la question : s'il était réellement engagé par les miens, il me mentirait forcément ou éluderait la question ; et si ce n'était pas le cas, je me couvrirai de ridicule en ayant simplement supposé que cet homme avait une mission cachée.

Incapable de me décider sur la marche à suivre, je préférais aller toquer à la porte de la salle de bain, les bruits qui s'en échappaient semblaient plutôt étranges.

"Mademoiselle Aydin, tout va bien ?"

Etmer_Fachronies a écrit:- Vous officiez donc en renfort du gouvernement ? Une belle activité, que de se rendre ainsi utile au Tsar. J'y avais songé, fut un temps. Mais les idées passent vite,  c'en est effrayant. Et quelle affaire nécessite un homme de votre trempe sur place ? Seriez-vous vous aussi tout autant féru de peinture ?

Olm observa un instant Radvan avant de répondre. Ding. Ding... Din... Toujours cette cloche presque éteinte, à l'agonie. Tout en triturant son col pour le redresser, Sherrinford répondit d'une voix posée :
"J'officie en renfort de ceux qui en font la demande. Il s'avère qu'il s'agit quelque fois du gouvernement, mais pas seulement. Bien des personnes cherchent des réponses qu'elles ne sont pas en mesure de trouver seules. Pour ce qui est de mon voyage à Venice... J'avais besoin de changer d'air, de me ressourcer et de laisser le travail derrière moi quelques temps. Des vacances, en quelque sorte." L'enquêteur sourit à cette idée et ajouta : "Et vous, qu'est-ce qui vous y amène ?"

Pendant qu'il parlait, Olm laissa son regard glisser jusqu'à la jeune femme qui frappait à la porte. Il semblait porter une certaine lassitude dans son regard.

Johanna avait-elle entendu quand Deepika avait glissé et s'était retenue au porte-serviette ? La traversière était en train de tâter le moelleux d'un drap de bain quand elle entendit frapper.

"Oui... On ne peut mieux ! Je découvre... "

Elle ne quitterait pas l'endroit, pas si vite, non non non. Elle commença alors à retirer rapidement ses vêtements comme si cela pouvait faire de cet endroit le sien.
Deepika n'avait fait que jouer avec les mécanismes pour comprendre l'utilité de chaque poignée, chaque tuyau, chaque placard, chaque ingrédient ou ustensile. Il fallait qu'elle cesse de trainer si elle voulait enfin se se sentir à la hauteur de ses compagnons de rails.

"Il me faut un service de blanchisserie... et un coiffeur... vous avez ça, je crois, en première classe, non ?"

Oui, parce que ses cheveux allaient vite être un problème si elle devait les laver.

Anya ne savait plus trop où donner de la tête. les conversations étaient peu interessantes et les bruits d'eau lui donnait à son tour l'envie de se prélasser dans un bon bain. Elle n'aimait pas lkes mondanités, elle s'y pliait la plupars du temps, étant une personne bien éduquée, mais les conversations futiles la dépassait. Elle aimait les mots simples, directs, sans embages et avec un but précis. Elle voyait ses compagnons de voyage parler de leur destination, se regarder, se jaugeait. Elle se contentait d'écouter, n'ayant rien à dire. Parler pour parler, quelle idée.

La duelliste regardait la petite Lady s'inquiéter pour la traversière. Il y avait quelque chose de presque touchant dans cette image. Elle laissa son esprit se perdre dans des pensées floues, n'écoutant plus vraiment. Elle se sentait épuisée et les sièges étaient, ma foi, fort confortables.

Deepika a écrit:"Il me faut un service de blanchisserie... et un coiffeur... vous avez ça, je crois, en première classe, non ?"

La voix de la traversière sorti Anya de ses pensées, s'était elle assoupi un instant ?

Enfin une question pragmatique....

Nous pouvons demander ce qu'il en est au Steward. Il saura répondre. Je m'en charge.

Anya sauta sur l'ocassion pour sortir de la voiture. Bouger lui fera le plus grand bien et l'aidera à se réveiller. Elle se leva d'un coup et se dirigea vers la porte.

Deepika Aydin a écrit:

"Il me faut un service de blanchisserie... et un coiffeur... vous avez ça, je crois, en première classe, non ?"

"Je..."

C'était une excellente question. À laquelle je n'avais aucune réponse.

"Je vais me..."

Anya Sopiha a écrit:Nous pouvons demander ce qu'il en est au Steward. Il saura répondre. Je m'en charge.

Je la regardais, interdite. Je ne m'étais pas attendue à son intervention. Alors qu'elle s'apprêtait à sortir, mon corps suivit le mouvement sans me demander mon avis.

"Je vous accompagne !" dis-je en pressant le pas pour la rattraper.

À peine sortie, je la regardais, intriguée.

"Et vous, demandais-je pour lancer la conversation, dans quel métier officiez-vous ?"

Anya s'arreta un instant interdite. Puis haussa les épaules en voyant la Lady courir vers elle.

"Je suis avocate-duelliste."

Son ton n'était pas particulièrement sec, plutôt laconique. Johanna n'avait pas de mal à deviner que c'est elle qui devrait merner la conversation si elle tenait à parler. Anya lança un regard aux autres, personnes ne semblait parti pour les suivre, aussi reprit-elle sa marche en direction du Steward.

"Avocate-duelliste ? Ma sœur Nicole rêvait d'en devenir une, enfant, c'est même ce qui l'a poussé à apprendre l'escrime, dis-je sans cacher ma joie. J'imagine que ce n'est pas un travail facile tous les jours, vous avez dû avoir des dossiers difficiles. Moi, je ne suis qu'une simple secrétaire au ministère de la Propagande, mais je ne me plains pas, bien au contraire. Je fais ce travail uniquement parce qu'il m'était facile d'y entrer, étant donné qu'une bonne partie de ma famille y travaille déjà. On m'a même demandé si je comptais suivre les traces de mon grand-père."

J'esquissais une grimace alors que ce souvenir resurgissait, ce n'était pas vraiment le meilleur que je puisse avoir de ces presque deux ans passés à y travailler.

"Enfin, ce n'est pas le plus important, repris-je. est-ce le travail qui vous amène à voyager jusque Venice ? D'ailleurs, avez-vous déjà quitté Méthalume ?"

Pendant ce temps, alors que les conversations allaient bon "train", Deepika découvrait les bien-faits de la brumisation aqueuse. Seulement vêtue de crasse, elle était entrée dans la cabine de douche du Transécryme. Ses cheveux trop longs enfin libérés de leurs liens goûtèrent pour la première fois à ces fines vaporisations d'eau, se frisant au fur et à mesure de leur imprégnation. La poussière coulait à ses pieds, progressivement. Le savon et le gant de crin auront raison des plus irréductibles incrustations.
L'arpenthe frissonnait au chaud dans ce paradis. L'Arenthèle n'avait pas fini de la surprendre, et elle se mit à chanter ses louanges à voix haute, de sorte que ceux qui passaient pas loin, pouvaient entendre.

Prises dans une discussion encore très mono-directionnelle, Anya et Johanna arrivèrent assez rapidement à la petite cabine en bout de voiture dans laquelle devait se trouver le steward. Vide pour l'instant, une petite sonnette permettait d'appeler le plus proche.
Avant même que l'une des jeunes femmes, pusse s'en servir, un jeune homme en livrée blanche, proche de la trentaine, apparût par la petite porte dérobée, arborant un large sourire "Bonjour mesdames, que puis-je faire pour vous aider ?"

En se dirigeant vers la cabine du steward, elles croisèrent rapidement une autre voyageuse qui était en train de prendre place, l'une des dernières du wagon, comme il semblerait, vu le départ imminent du train. C'était une belle jeune femme, elle avait tout de la noblesse. Elle parlait à sa steward sur un ton très posé mais le choix de ses mots trahissait une bonne éducation et une certaine assurance presque hautaine. Ses yeux bleus et ses lèvres figées dans un sourire vaguement triste, elle avait l'air d'une poupée de porcelaine. Tout dans son allure montrait qu'elle était consciente de sa beauté et dotée d'un fort caractère.

La voyageuse

- Et vous, qu'est-ce qui vous y amène ?

Radvan fronça imperceptiblement les sourcils à la question de Sherrinford. Ce qui l’y amenait ? Est-ce qu’une fuite éperdue et précipitée compte, comme motif ? Quoiqu’à bien y réfléchir, à l’aulne de ses pensées précédentes, ils n’étaient peut-être pas tous dans le même wagon pour rien.

Et puis, il y avait vraiment une urgence à partir. Une urgence… Sans crier gare, les souvenirs de ces dernières heures vinrent se jeter pêle-mêle dans son esprit. La mission de Vuk, la Loge des Aciers, le sort de ses hommes, les écueils imprévus, le parchemin… comment tout avait éclaté.

Une chose était certaine pour le Gestionnaire. Ces souvenirs n’étaient pas agréables.

J’y vais contraint et forcé, car sinon je finis comme tous les idiots dont je m’occupais auparavant. Non, il ne pouvait décemment pas répondre ça.

Il troqua son habituel demi-sourire acide contre un vrai faux sourire mondain.

- J’y vais dans le cadre de mon travail, répliqua-t-il simplement en bonne pastiche de la réalité. Mon konzern me demande de prospecter, j’y vais donc de ce pas. Ou plutôt, de bon train, si vous me passez l’expression.

La question serait désormais de choisir parmi les sociétés écrans qui lui servaient habituellement de couverture. Il trancherait quand la question viendrait.

- Comme j’en faisais part à l’instant à la jeune femme qui s’est absenté, je connais mal Venice. Cette visite sera une découverte intéressante. Depuis les guerres d’Acrymonie, la cité des arts est la ville de tous les fantasmes. Notre Lansk bien-aimé lui-même y siège, c’est un acte patriote de s’y rendre.

Par habitude, Radvan regarda l’effet de ses paroles sur son interlocuteur. Des rapports compliqués avec l’administration chez autrui étaient un signe qui lui convenait toujours.

- Savez-vous comment les choses s’organisent pour nous autres migrants, à notre arrivée sur place ?

Anya regardait Jo d'un air circonspect. Pourquoi diable lui parlait-elle de sa soeur ? C'est à n'y rien comprendre. Décidément, elle n'était pas faite pour ce genre de chose. Dès la première phrase elle avait eut du mal à rester concentrée sur la suite.

Jo a écrit:"Enfin, ce n'est pas le plus important, repris-je. est-ce le travail qui vous amène à voyager jusque Venice ? D'ailleurs, avez-vous déjà quitté Méthalume ?"

Pas exactement. Au même titre que quelques uns d'entre nous, je ne sais pas exactement ce qui m'y amène.

J'ai déjà était amené à voyager, mais jamais à Venice.

Elle hésita une seconde. Devait-elle ajouter quelque chose ? Poser une question serait surement bienvenue... Elle fut cependant sauvé de cette corvée par le Steward.

Steward a écrit:"Bonjour mesdames, que puis-je faire pour vous aider ?"

Anya lança un regard à sa compagne de voyage et lui fit signe qu'elle lui laissait la parole.

Mes sourcils se haussèrent sous la surprise.

"Comment peut-on ne pas connaitre la raison de son propre voyage ?" m'étonnais-je, stupéfaite.

Je ne pus cependant entendre la réponse à cette nouvelle question, le steward nous avait finalement rejoint et nous demandait ce que nous désirions. Un regard vers celle qui m'accompagnait et je compris vite qu'elle ne comptait pas expliquer elle-même la situation. Me demandant vaguement comment on pouvait être avocate-duelliste tout en étant aussi peu loquace, je pris la parole lentement avec un sourire en demi-teinte.

"En réalité, ce n'est pas nous qui avons besoin de renseignements mais une personne de notre compartiment actuellement indisposée par des contraintes toutes personnelles. Elle souhaiterait savoir si le train dispose d'une blanchisserie et d'un coiffeur à son bord et, à vrai dire, moi aussi", ajoutais-je d'un ton amusé.

Alors que j'attendais sa réponse, je fus momentanément déconcentrée par l'apparition impromptue d'une jeune femme qui semblait savoir ce qu'elle valait et ce qu'elle voulait. Au vu de son comportement et de ses atours, je me demandais un instant si je la connaissais. Le nom ne me revenant pas, je profitais de la présence du steward.

"Qui est cette personne ? J'ai l'impression de l'avoir déjà vue, mais son nom m'échappe."

Spoiler:

Olm hocha la tête, quand le dénommé Radvan lui répondit. Il n'en montra rien, mais il commençait à s'inquiéter. Etrange coïncidence, que tous aient des raisons aussi vagues de se rendre à Venice... Quelque chose, quelque part en lui, tintait en panique, comme pour le prévenir d'un danger. Comme pour lui assurer que quelque chose n'allait pas. Il essaya de se concentrer sur cette sensation quand... les chants ésotériques d'une joyeuse traversière en transe devant la pureté de l'eau résonnèrent dans tout le wagon.
L'enquêteur sourit. Il était bon d'entendre l'insouciance et la joie. Il s'affala un peu plus dans la banquette et se réprimanda : profite de l'instant, Sherrinford.
"J'ai vraiment hâte de revoir Venice. Malgré ses défauts, le spectacle reste distrayant." Il se leva alors et reprit : "Je vous prie de m'excuser, je reviens dans un petit instant. Je peux vous confier mes affaires ? Merci beaucoup."

Olm sortit alors du compartiment pour partir à la recherche d'un stewart. Il souhaitait leurs confier un message à envoyer à Venice au prochain arrêt. Le plus tard serait très certainement le mieux : le destinataire ne pourrait plus refuser.
"Mon cher [STOP] Je vous contacte pour vous prévenir que j'arrive à Venice par le prochain Transécryme [STOP] Suis ravi de vous y revoir [STOP] En de trop rares occasions nous avons eu l'occasion d'échanger [STOP] Dans ce laps de temps sera-t-il possible de préparer l'une de vos chambres d'amis ? [STOP] J'ai besoin d'un endroit où je pourrais passer quelques nuits. [STOP] Merci."

Johanna a écrit:"En réalité, ce n'est pas nous qui avons besoin de renseignements mais une personne de notre compartiment actuellement indisposée par des contraintes toutes personnelles. Elle souhaiterait savoir si le train dispose d'une blanchisserie et d'un coiffeur à son bord et, à vrai dire, moi aussi"

Le steward eut un air quelque peu surpris, ce qui n'affecta pas pour autant son ton avenant et cordial "Eh bien, il est rare de rencontrer ce genre de demande avant même le départ du train, mais j'ai le plaisir de vous confirmer que nous avons bel et bien ce genre de services à notre bord. Le steward prit une craie sous son comptoir et s'apprêta à prendre des notes sur la petite ardoise à ses côtés. "Vous trouverez dans votre dressing un sac par personne, chacun d'une couleur différente. Il vous suffira d'y insérer les vêtements en question. Nous viendrons récupérer le sac pendant le dîner afin de ne pas vous incommoder. Les vêtements seront prêts deux jours plus tard, nous les ramènerons dans votre dressing pendant le petit-déjeuner. Pouvez-vous m'indiquer le nom de la passagère ainsi que la couleur du sac, s'il vous plaît ?"

Johanna a écrit:"Qui est cette personne ? J'ai l'impression de l'avoir déjà vue, mais son nom m'échappe."

"Je vois. Il s'agit de Madame Armelle de Montbellaise, aristocrate praguoise."


Alors que les deux jeunes femmes parlaient encore le steward, Olm finit invariablement par les rejoindre à la loge de ce dernier, étant le point central de toute demande venant des voyageurs de cette voiture. Il n'avait cependant d'autre choix que d'attendre son tour, à moins de se joindre à la conversation.

"Ho, il s'agit de mademoiselle Deepika Aydin, répondis-je au steward d'un ton enchanté. Pour la couleur du sac, j'avoue que je ne savais pas comment fonctionnait la laverie dans le transécryme, j'imagine qu'il s'agira du sac avec des vêtements dedans." J'ajoutais, dans un soucis de bien faire : "Il sera placé en évidence dans notre compartiment."

Je notais de vérifier la couleur des sacs pour le reste du voyage, tout comme le nom de l'aristocrate que nous venions de croiser, cependant son identité m'était totalement inconnue. je remerciais le steward alors que le franc-détective nous rejoignait. à le voir attendre, je compris rapidement qu'il souhaitait lui aussi faire une demande. Je regardais d'un air interrogatif Anya, mais celle-ci ne semblait pas plus décidée à parler qu'auparavant.

"Monsieur Olm, je pense que c'est à votre tour."

Je m'écartais afin de le laisser passer et me tournais une fois de plus vers ma compagne si muette.

"Que diriez-vous de visiter un peu le train ? Cela nous dégourdira les jambes."

Surpris par le départ soudain de son interlocuteur, Radvan assista en silence à la sortie expédiée de Olm du compartiment. Quelle mouche le pique donc, celui-ci ? Une envie pressante ? Le nécessaire était présent dans le wagon, donc non. C’était plutôt un autre besoin urgent, tel par exemple un rappel, qui pouvait justifier une absence précipitée. Mais pour quoi ? Mystère, et Radvan se doutait qu’il n’en saurait rien dans l’immédiat.

Délaissant ses questions sans réponses à l’écryme, il jeta un œil aux "affaires" qu’il était censé surveiller. Une valise de petite taille, classique. Rien d’exceptionnel à première vue... si ce n’était que pour un voyage aussi long qu’un départ pour Venice, cela faisait bien peu de choses. Un détail surprenant, encore une fois. Cela commençait à faire beaucoup.

Mais bref, c'était sans issue. Oublieux des affaires du détective, le Gestionnaire se cala profondément dans la banquette, et passa sa jambe droite sur sa jambe gauche, écartées en un bel angle droite. Sa position préférée pour lire un rapport sur plaque de cuivre ou un livre. Dommage qu’il n’ait rien de tel, ici. Il devrait penser à questionner le personnel sur le sujet, à la prochaine occasion.

L'homme encore jeune était désormais seul dans le compartiment… à l’exception de l’espèce d’hurluberlue, qui chantait désormais à plein poumons dans la douche. Comment diable cette fille s’était retrouvée dans le transécryme, voilà un mystère que Radvan ne s’expliquait pas.

Plus par habitude que par nécessité, il profita de sa solitude relative pour observer en détail le compartiment. Ses points forts, ses points faibles. Ses sorties possibles, sa disposition. Il écouta aussi plus en détail les paroles chantonnées de Chiffons. Si un indice utile quant à ses origines se trouvait dans sa logorrhée, c’était toujours ça de pris.

Spoiler:

Seulement des gouttes qui se retrouvent et la voix aux saveurs traversières de l'arpenthe filtrent à travers la cloison.

On peut entendre ces mots, comme un mantra répété, sans relâche mais avec sérénité :

"Arenthèle, telle nos veines, guide nos vies, guide nos pas, guide nos paroles, guide nos guerres, guide nos enfants, vers le Coeurcentre, où tout se mélange."

Olm avança à travers le train en profitant de sa petite balade pour jeter un oeil aux autres compartiments. Il était curieux de connaître leurs voisins de compartiment. Qui voyageait en même temps qu'eux. Qui pouvait se poser des questions sur lui.

Il rejoignit la cabine du stewart et, quand la jeune femme Artichaut lui laissa la place, il donna son message.
"Je voudrais qu'il parte au prochain arrêt, dit-il fermement."

Après avoir donné ses instructions, Olm ne se sentait pas de retourner tout de suite dans son compartiment. Il préféra faire un petit tour au wagon bar.